POL-MICI : 5 questions à Marie Boudaud pour tout comprendre sur son projet de recherche

À l’IHU Infiny, recherche fondamentale et clinique avancent main dans la main pour mieux comprendre et traiter les MICI. Nous sommes ravis de partager notre première série de vidéos, mettant en lumière les projets de nos chercheurs.

Pour ce premier épisode, nous avons eu le plaisir d’interviewer le Dr Marie Boudaud, qui nous présente son travail sur les modifications épigénétiques et les interactions combinées des facteurs d’exposition.

Son projet a été lauréat d’une bourse de l’Afa Crohn RCH France en décembre 2024.

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Transcription

Nos chercheurs, leur projet : épisode 1

5 questions à Marie Boudaud : modifications épigénétiques et interactions combinées des facteurs d’exposition.

1. Bonjour Marie, quel est ton parcours ?

Bonjour je suis Marie Boudaud. Je suis chercheure au sein de l’unité NGERE et je travaille sur les projets de l’IHU infiny en tant qu’immunologiste. Mon parcours est assez classique recherche fondamentale. Je suis formée jusqu’à mon master en France puis ensuite je suis allée au Canada faire un doctorat en immunologie et je suis allée au Luxembourg pour un postdoctorat dans le domaine des interactions haute microbiote toujours pour parfaire ma formation en immunologie. Ensuite j’ai rejoint le laboratoire NGERE, l’équipe de du professeur Laurent Peyrin-Biroulet et l’IHU infiny pour pouvoir appliquer mes connaissances en immunologie aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

2. Ton projet POL-MICI est lauréat d’une bourse de recherche 2024 de l’Afa Crohn RCH. Quel est ce projet ?

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont des maladies multifactorielles, ce qui veut dire qu’elles ont une composante génétique. Les patients ont une prédisposition génétique, mais cela n’explique pas tout dans la maladie. Il y a aussi une composante du microbiote, c’est-à-dire que le microbiote, par sa dérégulation ou un souci de composition, peut faciliter une inflammation. Enfin, cet équilibre entre le système immunitaire de l’hôte et le microbiote est régulé aussi par les facteurs environnementaux. Ces facteurs ont une composante très importante dans le développement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Ils sont très variés, on ne les connaît pas tous et on ne connaît pas non plus bien les mécanismes par lesquels ils agissent sur la maladie.

Le projet POL-MICI s’intéresse à l’impact des polluants environnementaux, ce qui est dans l’air du temps. On s’est intéressé, par le passé, dans les MICI, à l’alimentation, au stress, à l’activité physique, au tabac, et aujourd’hui, on s’intéresse de plus en plus aux polluants, parce qu’on se rend compte qu’ils affectent les maladies chroniques d’une façon générale. Et dans le cadre des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, ils ont été très peu étudiés.

Le projet POL-MICI s’intéresse à la fois à l’impact de ces facteurs polluants environnementaux et aux mécanismes épigénétiques par lesquels ils pourraient influencer la maladie. L’épigénétique, ce sont les modifications chimiques de l’ADN qui régulent l’expression génique, donc des gènes, et notamment des molécules qui sont impliquées dans l’inflammation.

L’hypothèse à la base de ce projet, c’est que les polluants, dans leur ensemble et aussi en combinaison, pourraient entraîner des modifications spécifiques de l’ADN et de la régulation inflammatoire chez les patients. Ces modifications, qui sont donc liées à la combinaison des polluants environnementaux, pourraient peut-être expliquer pourquoi certains patients vont avoir des poussées plus fréquentes ou pourquoi ils vont répondre positivement ou négativement à certains traitements.

3. Quelles sont les méthodes utilisées ?

On va utiliser des méthodes de chimie analytique pour analyser la contamination en polluants dans le sang chez ces patients. Ensuite, il y aura des méthodes d’analyse de l’épigénome ; on va donc s’intéresser plus spécifiquement au méthylome, c’est-à-dire aux modifications et à la régulation de l’ADN, à l’aide de techniques spécifiques qui combinent des analyses chimiques et du séquençage de l’ADN. Pour réaliser ces analyses, on va se rapprocher de spécialistes en chimie analytique et de spécialistes du séquençage des épigénomes.

4. Quelle contribution pour l’IHU Infiny ?

L’IHU, pour sa composante de recherche fondamentale, a pour objectif de comprendre les mécanismes physiopathologiques des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Il s’inscrit aussi dans une approche globale du patient et de son environnement, pour comprendre, en analysant cet environnement, comment le patient est plus à même de répondre aux thérapies, et comment mieux le suivre. Ce projet a pour but de faire un mapping, d’évaluer précisément cet environnement, notamment dans sa composante de polluants environnementaux chez le patient, afin d’apporter de meilleurs outils d’évaluation du profil du patient. En parallèle, il vise à comprendre les mécanismes physiopathologiques à travers les voies de l’épigénétique et de l’inflammation : comment cette épigénétique peut réguler l’inflammation spécifiquement chez les patients.

5. Quels sont les résultats attendus ?

Comme je viens de l’expliquer, l’objectif, ce serait idéalement de montrer que telle combinaison de polluants — par exemple les polluants A, B et C — lorsqu’ils sont retrouvés ensemble en certaines quantités chez les patients, est associée à des modifications épigénétiques, ou à une signature épigénétique particulière. Cette signature pourrait expliquer les mécanismes impliquant certaines voies inflammatoires spécifiques. C’est ce qu’on appellerait la caractérisation d’un endotype de patient.

Actuellement, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont principalement définies par deux grandes entités : la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn. L’idée, c’est qu’au-delà de ces deux maladies, il existerait plusieurs sous-types. Grâce à ce profilage à la fois des polluants et des signatures épigénétiques, on pourrait redéfinir de nouvelles sous-catégories de patients. Cela permettrait, d’une part, aux patients d’éviter certaines sources de contamination, et, d’autre part, aux médecins d’orienter plus précisément le diagnostic et les traitements, notamment par l’utilisation de biothérapies ciblant les voies inflammatoires mises en évidence et régulées par l’épigénome.

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